La culture ne nourrit pas l’homme ?

Bande dessiné N° 2

Bande dessiné N° 2

Le dernier film de l’Italien Paolo Virzi, « Les opportunistes », dresse un portrait peu flatteur de la riche province de Lombardie, dominée par une classe de spéculateurs financiers, de marchands et d’hommes d’affaires en tous genres, que seules l’avidité et la cupidité animent. Le film, qui se situe dans l’Italie en crise de 2010, met crûment en lumière le lien étroit entre un système dominé par la recherche du profit financier à court terme et la dégradation sociale et culturelle qui s’ensuit : enrichissement des uns, chômage, pauvreté des autres, creusement des inégalités, fermeture des salles de cinéma et des théâtres, transformés en appartements lucratifs. Car c’est un fait, on ne mange pas de livres, la culture ne nourrit pas l’homme ; en période de crise, la culture, c’est donc superflu. Notre Maire nous l’a bien rappelé dans un de ses « p’tit[s] mot[s] » : « N’oublions jamais que les hommes ont pratiqué la philosophie et se sont intéressés à la culture après avoir obtenu par leur travail la satisfaction de leurs besoins alimentaires et sécuritaires. » (A. Kelyor, Le Lien, Oct. 2014).

Cette thèse classique de la droite a l’apparence d’une évidence, d’un bon sens presque paysan. Elle est en fait une théorie redoutable qui vise à conforter le système, en orientant la recherche de finances vers toujours plus d’économies sur le dos des services publics et en la détournant dans le même temps des autres sources possibles : la taxation des revenus du capital, la suppression des niches fiscales, l’établissement d’une forte progressivité de l’impôt sur le revenu. En deux mots, cette thèse, loin d’être anodine, est un argument éminemment politique pour justifier une politique d’austérité et disqualifier une politique de redistribution des richesses.

Nous n’adhérons pas à cette thèse, que nous jugeons même scandaleuse. En temps de crise, nous avons tous besoin de pouvoir nous divertir et nous ouvrir l’esprit en voyant autre chose. Et nous devrions tous y avoir droit. A Emerainville, nous sommes heureux de pouvoir bénéficier à ce titre de la Ferme du Buisson, scène reconnue sur le plan national qui nous permet de profiter de films, expositions ou spectacles variés à des prix abordables (cinéma : 4
euros, concert : 10 euros, nombreux événements gratuits). Une baisse des subventions publiques que reçoit cet établissement entraînerait une augmentation mécanique de ses tarifs et priverait toute une partie de nos voisins de la possibilité d’en bénéficier. Nous récusons totalement ce type de politique fortement inégalitaire.

La culture est un bien collectif qui tire toute une société vers le haut. Elle n’est pas une marchandise, et lui demander d’être « rentable » est un non-sens. Elle ne doit pas non plus être un luxe réservé à une élite parisienne. Nous n’avons pas à en être privés au nom de nouveaux sacrifices soi-disant nécessaires. De l’argent, il y en a ! Les inégalités ne cessent de se creuser dans notre pays et les plus riches n’ont jamais été aussi riches qu’aujourd’hui.

Le financement de la culture peut et doit être assuré par une redistribution des richesses car elle est un bien essentiel dont toute la population se « nourrit ».