Face aux excès, la Normandie suspend ses aides à la méthanisation

Coup de semonce pour la filière biogaz.

Depuis la semaine dernière, la Région Normandie ne verse plus un centime aux nouveaux projets de méthanisation qui lui sont soumis.

De son côté, les aides européennes du FEDER pour ce secteur géré par lui sont également suspendues jusqu’à nouvel ordre.

La raison invoquée ? L’absence de contrôles pour réguler ce secteur en expansion très rapide.

La Région Normandie pointe notamment le recours croissant de certains exploitants à des cultures vivrières en lieu et place des effluents (fumiers, lisiers…)

ou déchets que les méthaniseurs sont censés transformer.

» La digestion anaérobie doit servir l’agriculture et non l’inverse ».

Une décision sans précédent

La polémique n’est pas nouvelle. Le détournement de la production agricole à des fins énergétiques est régulièrement dénoncé par les associations écologistes et les groupes militants.

Mais c’est la première fois à notre connaissance qu’une communauté adopte des mesures coercitives.

Pour justifier cette décision inédite, son président invoque une montée du phénomène.

Hervé Morin incrimine notamment l’utilisation abusive du maïs – plante connue pour son pouvoir super méthanogène – en contradiction avec la réglementation française.

Pour rappel, un décret datant de 2017 interdit l’utilisation de plus de 15 % des cultures vivrières à des fins de production de biogaz.

                             Pour des contrôles renforcés

Face à cette situation, la Région indique qu’elle ne rétablira ses aides qu’après que les services de l’Etat auront procédé

à des contrôles de vérification sur « tout ou partie » des 35 unités de méthanisation auxquelles la collectivité a apporté une aide financière

depuis 2016 (pour un montant de 50 millions d’euros).  » Il appartient à l’État de vérifier la bonne application des règles.

Aujourd’hui, les contrôles se limitent aux déclarations, ce qui permet aux contrevenants de tout faire ».

            méthaniseur Sénat   ci-contre le texte complet.

Il y a trois années déjà, nous relevions ce fait, lors de l’installation d’un méthaniseur à

Chevry-Cossigny.

Si vous parcourez le texte de la loi, vous percevrez que tout est prévu, dans les moindres détails. Les services de l’état par l’intermédiaire des préfets doivent contrôler et délivrer des autorisations.

Mais voilà, une habitude bien française, une loi complète et complexe, débattue en de multiples lieux institutionnels , qui met en évidence les risques et les guide par des autorisations très bien énoncées.

On peut y croire, mais le décret d’application qui suit en général le vote de la loi, ne fournit aucun moyen aux préfectures pour créer les services du contrôle.

 

En pratique, il existe un risque que les CIVE deviennent, économiquement, la source de revenus principale de certaines exploitations agricoles, potentiellement au détriment des productions à

destination de l’alimentation humaine ou animale, si les rotations et les pratiques culturales étaient revues pour favoriser le développement des CIVE.

Les cultures principales peuvent ainsi être modifiées pour être récoltées plus tôt – en privilégiant par exemple l’orge au lieu du blé – afin de permettre aux CIVE d’avoir une saison de culture plus longue.

À cet égard, les CIVE peuvent également épuiser la réserve utile des sols, au détriment du rendement de la culture suivante.

 Clarifier le cadre stratégique

Ambigu, complexe et incomplet, le cadre stratégique applicable à la méthanisation pourrait être utilement clarifié.

En effet, la politique publique en faveur du biogaz, au croisement de l’économie et de l’environnement, de l’énergie et de l’agriculture,

poursuit des objectifs, mobilise des acteurs et comprend des dispositifs d’une grande diversité, voire d’une relative confusion.