Nicolat Hulot : « Pourquoi j’arrête ma mission d’envoyé spécial pour la protection de la planète »

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Nicolas Hulot a annoncé, mercredi 6 janvier, qu’il mettait un terme à sa mission d’envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète. Après trois années passées à l’Elysée, il explique dans un entretien au Monde, les raisons de son départ, dresse le bilan de son action bénévole auprès de François Hollande et de la COP21 et s’interroge sur son avenir en politique.

Pourquoi avez-vous décidé, à peine la COP21 terminée, de mettre un terme à votre mission ?
Il y a des éléments rationnels et, comme souvent chez moi, d’autres plus irrationnels. J’ai réfléchi une bonne semaine avant d’entériner ma décision avec François Hollande. J’ai été agité de doutes car cette mission était un instrument inespéré par rapport à mon engagement. J’avais une position assez inédite avec un pied dehors et un pied dedans, dans l’ombre et dans la lumière, qui me permettait sans provoquer de miracle ou de révolution écologique de faire bouger les choses. Mais nous allons entrer dans une période très politique et j’ai jugé qu’il serait plus difficile d’exercer cette mission sans échapper à une forme d’interprétation politique.
Je ne veux pas que mon engagement puisse être considéré autrement que comme un enjeu supra politique. La deuxième raison, c’est que j’ai besoin de répit, de recul, j’ai été emporté dans un fleuve en crue pendant trois ans au détriment de ma vie privée. C’est nécessaire de prendre de la distance, du temps pour rencontrer des gens, faire l’analyse de la situation nationale, internationale et tenter de définir quelle sera la forme la plus utile de mon engagement demain. Cela ne pouvait pas se faire simultanément avec cette mission. Trois ans c’est déjà beaucoup.

Estimez-vous avoir été efficace ?
J’ai mis une année pour comprendre les codes de l’Elysée, de l’ONU, de la diplomatie, trouver mes marques, ce n’était pas mon univers. J’étais un ovni. La confiance du président a été pour moi à la fois un avantage et un inconvénient. Cela me permettait de traiter directement avec lui, mais lorsque vous venez de l’extérieur et que vous arrachez une décision directement du président, si elle n’est pas partagée, certains considèrent que vous abusez de votre position. Il a fallu que je trouve mes alliés et le bon mode de fonctionnement. La première année, j’étais tétanisé, très impressionné. Je me sentais toujours en difficulté.
Ensuite, j’ai découvert l’intérêt d’être positionné à l’Elysée : rencontrer facilement les acteurs économiques, politiques, institutionnels, bénéficier à l’étranger de l’appui du réseau diplomatique, une force de frappe très importante. J’ai énormément travaillé. Lorsque vous avez comblé les lacunes, vous vous rendez compte que vous n’êtes pas si ignorant que ça sur un certain nombre de sujets. Je quitte ma mission au moment où je la maîtrisais au risque d’y prendre goût. Mais intuitivement, j’ai pensé que c’était le moment d’arrêter.
Comment entendez-vous peser dans le débat de l’après-COP21 ? Votre départ est-il le préalable d’un retour en politique ?
Que cela fasse partie de la réflexion de beaucoup de gens, ça, c’est sûr ! Mais après mon expérience à la primaire d’Europe Ecologie-Les Verts en 2011, chat échaudé craint l’eau froide. Je suis frappé par l’indigence des partis politiques sur la question du climat. Comment la droite peut-elle se revendiquer de la modernité quand un sujet qui conditionne tous les autres – le climat – est aussi absent de ses écrans radar ? Ses seules propositions ont été de prôner l’exploitation du gaz de schiste ou de remettre à plat le principe de précaution.
Par ailleurs, l’écologie politique, ce qui pour moi est presque un oxymore parce que l’écologie ne devrait pas être verticalisée, aurait dû depuis longtemps s’épanouir avec des propositions de gauche et de droite.
Le Parti socialiste ne s’est pas davantage emparé du sujet du climat…
C’est bien pour cela que je suis dans une forme d’expectative, j’en suis presque navré. Le monde entier est venu à Paris sur un sujet fondamental, et on a l’impression que pour certains, c’était un non-événement ! A gauche, on ne croule pas sous la créativité et l’analyse fine. Cette exigence de réflexion, il va falloir qu’on l’exerce. Ma crainte, aujourd’hui, c’est que toute initiative politique au sens classique du terme ne soit rattrapée par des vicissitudes imparables : querelles de personnes, conflits idéologiques.
Quelles seraient les conditions de votre candidature à l’élection présidentielle ?
La politique telle qu’elle s’exerce et telle que je l’ai côtoyée, celle-là, c’est « no way ». Est-ce qu’il y a quelque chose à monter ? On verra. (…)
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